Indemnisation des communes à la suite de manifestations violentes
Ces dernières années, et particulièrement l’année 2023, ont été marquées par de nombreuses manifestations, déclarées ou non, ayant pu engendrer des débordements violents voire des émeutes urbaines.
Dans le cadre de ces débordements, de nombreuses dégradations ont été commises sur les biens communaux tels que les jardins, les espaces verts, le mobilier et des équipements urbains.
Or, la responsabilité de l’État peut être engagée, y compris à l’égard d’une commune, lorsque celle-ci est victime de dégradations commises dans le cadre d’attroupements violents (CE, 18 novembre 1998, commune de Roscoff, n° 173183, T. 1160).
En droit, le régime de responsabilité à raison des dommages résultant d'attroupements et rassemblements est celui de la responsabilité sans faute de l'Etat, désormais codifié à l'article L.211-10 du code de la sécurité intérieure qui dispose que :
« L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. L'Etat peut également exercer une action récursoire contre les auteurs du fait dommageable, dans les conditions prévues au chapitre Ier du sous-titre II du titre III du livre III du code civil. Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée ».
Si cette disposition vise à indemniser notamment les particuliers, elle peut tout à fait intervenir au bénéfice d’une personne morale de droit public et notamment d’une commune.
Il peut s’agir de dommages causés par des faits constitutifs du délit de destruction, de dégradation ou de détérioration volontaire d’un bien appartenant à autrui.
Si les victimes n’ont pas à prouver de faute de l’État, elles doivent néanmoins établir la réalité de leurs dommages et démontrer que le dommage est en lien avec un attroupement ou un rassemblement.
La jurisprudence distingue du délit imputable à un attroupement ou à un rassemblement celui qui est imputable à un groupe constitué et organisé à seul fin de commettre ce délit, ce qui est qualifié de « commando » dans une décision du 12 novembre 1997, compagnie d’assurances générales de France et autre, n°150224.
En effet, de manière constante, dans la jurisprudence, un acte perpétré « dans le cadre d'une action concertée et avec le concours de plusieurs personnes », ne peut être considéré comme découlant d'un attroupement (Tribunal des conflits, 15 janvier 1990, Chamboulive et autres c/Commune de Vallecalle, n° 02607) et n'ouvre pas droit à indemnisation.
Ce régime est en effet réservé à des agissements plus ou moins spontanés issus de mouvements de foule même si le Conseil d'État a pu récemment infléchir sa jurisprudence.
Concrètement, une Commune peut donc, au même titre qu’une autre personne morale ou physique, se faire indemniser par l’État à la suite de manifestations violentes et/ou d’émeutes urbaines dès lors que les conditions suivantes sont réunies :
La Commune doit pouvoir démontrer un préjudice financier ;
Ce préjudice doit résulter d’attroupements ou de manifestations ;
Les violences ne doivent pas avoir été préméditées et doivent être « spontanées » (dans le cas contraire la Commune ne peut être indemnisée).
En pratique la Commune pourra alors solliciter de l’Etat une indemnisation chiffrée.
En cas de refus de l’Etat, la Commune pourra contester celui-ci devant le Juge administratif.