Le Conseil d’État se saisit de la réglementation ZAN (Zéro artificialisation nette des sols)

Par deux recours l’Association des maires de France (AMF) contestait devant le Conseil d’État des dispositions réglementaires issus de deux décrets d’application du dispositif « ZAN ».

Le Conseil d’État a ainsi rendu deux décisions le 4 octobre dernier.

Pour rappel, La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 a fixé un double objectif : diviser par deux le rythme de bétonisation entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente (de 250 000 à 125 000 hectares) et atteindre d'ici à 2050 zéro artificialisation nette, c'est-à-dire au moins autant de surfaces renaturées que de surfaces artificialisées.

La loi publiée le 21 juillet 2023 précise les modalités d'atteinte de l'objectif de Zéro Artificialisation Nette créé par la loi Climat et Résilience, et tente, sans que cet objectif ne semble aujourd’hui atteint, de surmonter les difficultés de son application rencontrées dans les territoires en donnant a priori davantage de pouvoir aux collectivités.

À travers ses neuf articles, la loi ZAN du 21 juillet 2023 introduit plusieurs précisions quant à la mise en œuvre effective du dispositif ZAN dans les territoires.

On relèvera notamment que :

  • L’objectif ZAN devra être pris en compte dans l’ensemble des opérations d’aménagement. Pour tout projet urbain, les élus locaux devront chercher à sauvegarder les espaces naturels, renaturer des sols désartificialisés, mettre en valeur le bâti existant, et rechercher l’optimisation des espaces urbanisés ;

  • La loi ZAN a rallongé les délais laissés aux collectivités pour la modification des documents d’urbanisme : désormais, les régions auront jusqu’au 22 octobre 2024 pour mettre le SRADDET en conformité avec la loi ; les communes et EPCI auront jusqu’au 22 janvier 2027 pour modifier les SCoT et jusqu’au 22 janvier 2028 pour les PLU(i) ;

  • Afin de rééquilibrer la représentation des territoires dans la coordination et la gouvernance, la Loi a transformé la Conférence des schémas de cohérence territoriale en Conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols ;

  • Les projets de grande ampleur ne seront pas comptabilisés dans la consommation des collectivités pour la première tranche des 10 ans : Il s’agit des travaux déclarés d’utilité publique et de certains projets industriels ;

  • Une « garantie minimale de développement » pour chaque commune est prévue pour la période 2021-2031 à condition pour celles-ci d’être couvertes par un document d’urbanisme approuvé avant le 22 août 2026 ;

  • Un nouveau droit de préemption spécifique au dispositif ZAN est institué pour les communes.

En parallèle de ces dispositions législatives, différents décrets d’application ont pu être pris afin de préciser le dispositif : comme la Loi le prescrit, le Gouvernement a défini les conditions de mise en œuvre de cet objectif sur le territoire par deux décrets du 29 avril 2022. Ce sont ces décrets qui ont été contestés par l’AMF.

Dans la première affaire dont la décision a été rendue le 4 octobre 2023, le Conseil d'État a annulé le 2èmealinéa du II de l'article R. 101-1 du code de l'urbanisme, issu du décret n° 2022-763 du 29 avril 2022, relatif à l'échelle à prendre en compte pour déterminer l'artificialisation des sols qui prévoyait que :

« II.-Les surfaces sont classées dans les catégories de la nomenclature annexée au présent article. Le classement est effectué selon l'occupation effective du sol observée, et non selon les zones ou secteurs délimités par les documents de planification et d'urbanisme.

L'occupation effective est mesurée à l'échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme selon les standards du Conseil national de l'information géolocalisée. »

Le Conseil d’État annule cette disposition dès lors qu’il considère qu’en se référant à la simple notion de « polygone », en s’abstenant d’en préciser la définition précise et en se limitant à renvoyer à un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme, les auteurs du décret attaqué ne peuvent être regardés comme ayant établi, comme il leur appartenait de le faire en application de la Loi, l'échelle à laquelle l'artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d'urbanisme. 

Concrètement, le Conseil d’État reproche aux auteurs du décret leur imprécision dans la définition des termes utilisés et alors que la Loi imposait au Gouvernement de préciser à quelle échelle les zones artificialisées doivent être identifiées. 

Pour la Haute Juridiction, le Gouvernement, en faisant simplement référence à des « polygones », sans plus de précision ni sur leur définition ni sur leur périmètre, n’a pas satisfait à l’obligation résultant de la Loi, qui lui imposait d’établir l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme.

En revanche, le Conseil d’État, dans une décision rendue le même jour et toujours suite à une requête de l’AMF qui demandait l'annulation du décret relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols, a jugé que la fixation des objectifs de réduction de l’artificialisation à un niveau régional, dans le cadre des schémas régionaux (SRADDET), objectifs qui s’imposeront ensuite aux documents locaux au niveau intercommunal et communal, est conforme à la loi de 2021.

De ces décisions, il résulte en tout état de cause une certitude : l’application du dispositif ZAN demeure, malgré les différentes dispositions législatives et règlementaires, particulièrement incertain pour les élus locaux, pourtant en première ligne, tant dans la définition des concepts et des termes utilisés que dans sa mise en œuvre concrète.

Il ne fait guère de doute que l’applicabilité de la réglementation ZAN appellera de nombreuses interrogations et donc, à terme, de nombreux contentieux.

 

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